Bombes
et tranchées dans le Land Art (2) |
Pour
beaucoup de Land Artistes, il est important d'arriver à ne plus
produire d'objets. La surface terrestre est déjà un musée
rempli d'objets hétéroclites, écrite Robert Smithson
en 1968. (1).
Pour cette raison, ils seront plusieurs à chercher un paysage
qui soit débarassé de ses encombrements. Et les Land Artistes
s'orienteront la plupart du temps vers les espaces désertiques
pour travailler. Le choix priviléfié accordé aux déserts
s'explique peut-être par le fait que ces espaces lisses permettent
de recréer, sur des bases vierges, originelles en quelque sorte
- Robert Smithson accorde beaucoup d'importance à la préhistoire,
à la sédimentation, à la géologie -, les processus
primaires de striage et de fragmentation des espaces. |
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Avec Las Vegas Piece (1969), Walter De Maria creuse,
dans le désert du Nevada, deux tranchées de 2,44 mètres
de large, faisant un mile de long, coupées à angle droit
par deux autres tranchées de un demi mile. Un an auparavant,
il réalise
Mile Long Drawing (1968), qui consiste en deux lignes parallèles
de un mile de long, séparées l'une de l'autre par 3,6 mètres,
tracées dans le désert de Mojave.
Aussi intéressants sont les projets qui ne furent jamais réalisés.
En mai 1960, Walter De Maria avait écrit Art Yard (chantier
d'art). Il s'agissait d'une idée pour un earthwork qui
consistait en ceci : un grand trou creusé dans la terre. Mais
l'excavation devait prendre des allures spectaculaires et cérémoniale
: les spectateurs devraient être vêtus de toxedos pour assister
à la grande parade des bulldozers et des pelleteuses, qui seraient
conduits par des personnes totalement inexpérimentées et
le plus souvent artistes. À mesure que le trou se creuserait,
les spectateurs se lançeraient à la recherche de pelles,
pour participer eux aussi à la manifestation, qui serait comme
une grande danse où se mêleraient musique et poésie...
(2)
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Un
autre projet jamais réalisé, Olympic
Mountain Project (1970), avait été conçu pour
les jeux Olympiques de Munich de 1972. Il consistait en un puits de
122 mètres de profondeur et de 0,3 mètres de diamètre,
creusé dans une colline dominant la ville et ayant la forme d'un
volcan. Plus tard, pour la Documenta de Kassel en 1977, il réalisera
dans même esprit Vertical earth Kilometer, qui se présente
comme la sculpture à l'envers par excellence : il s'agit du forage
d'un puits sur une profondeur d'un kilomètre, traversant six
couches géologiques sous la surface terrestre. |
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(1)
"The strata of the Earth is a jumbled museum...". Cf. "A Sedimentation
of The Mind : Earth Projects (1968)" Robert Smithson : The Collected
Writings, Berkeley, Los Angeles, London, University of California
Press, 1996, p. 110
(2)Cf.Lucy
R. Lippard, Six Years : The Dematerialization of The Art Object
from 1966 to 1972, Berkeley, Los Angeles, London, University of
California Press, 1973, p. 54. |
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